Qui n’a pas entendu parler de ce chantier spectaculaire, engagé suite à la non moins spectaculaire décision de démolir un immeuble situé en plein centre-ville et sur l’un des axes les plus fréquentés de Genève ? Mandaté pour une simple surélévation, KHEOPS s’est vu confier la direction de travaux de la démolition de l’existant, puis de la construction d’un nouvel objet, incluant la gestion des locataires. Retour sur cette belle expérience technique et humaine, avec Giuseppe Cucinotta, architecte responsable du projet chez KHEOPS.
KHEOPS. Giuseppe, pourriez-vous décrire le projet en quelques mots ?
Giuseppe Cucinotta. Il s’est agi de la démolition puis de la reconstruction d’un immeuble situé au 89-91 de la rue de la Servette, dans un quartier « hub » très fréquenté, longeant les voies du tram. Après un premier chantier de surélévation sur 3 niveaux engagé par nos soins, des faiblesses ont été découvertes au niveau des dalles et la décision de raser le bâtiment a été prise. Face aux conséquences financières, nous avons préalablement envisagé différentes options pour renforcer la structure existante, mais leur mise en œuvre s’est avérée trop complexe et l’état de l’édifice le rendait inhabitable. Problème supplémentaire, l’immeuble était entièrement occupé, le plus souvent par des locataires de longue date.
Comment gère-t-on ce genre de situation ?
Dans notre métier, la dimension psychologique est essentielle, les rénovations s’accompagnant invariablement de nuisances. Priorisant le relogement des locataires, nous avons réservé des chambres d’hôtel et trouvé une alternative temporaire pour chaque foyer. Une équipe dédiée a été formée pour échanger avec les médias et l’ensemble des protagonistes, avec l’aide d’un expert en communication.
Le propriétaire de l’immeuble, La Foncière, accorde une grande importance à la satisfaction des locataires. KHEOPS étant spécialisée dans les projets de réhabilitation, nos processus d’interaction entre occupants de lieux et intervenants sont également bien rodés. Sur ce projet, nous avons organisé une première séance d’information dans un restaurant voisin pour discuter de la question. L’émotion était palpable. Certains habitants venaient tout juste de rénover leur appartement. D’autres étaient en colère, et pour plusieurs locataires âgés, la migration provisoire ou définitive vers un nouveau lieu de vie s’avérait délicate. La plupart d’entre eux ont néanmoins accepté leur délocalisation, pour être ensuite relogés à une autre adresse. Certains commerces ont eu besoin d’une solution alternative et se sont vus proposer des espaces dont la rénovation a été prise en charge par le propriétaire.
Comment s’est déroulé ce chantier ?
Nous intervenons directement pour le maître d’ouvrage avec une mission de direction des travaux. La démolition s’est accomplie en huit mois, de mars à octobre 2021. La reconstruction a suivi, avec une livraison des appartements en janvier 2024, soit une période totale d’environ trois ans. Lors de la démolition par l’entreprise Orllati, une phase d’assainissement des substances dangereuses, notamment l’amiante, a été réalisée, l’immeuble datant des années 60. Une grue imposante a été installée du côté de l’avenue Wendt. Il a néanmoins été nécessaire de recourir à des machines spéciales pour accéder à certaines parties du bâtiment que la flèche ne pouvait atteindre. Ces machines, appelées « croqueuses », ont été utilisées pour disloquer le béton en morceaux. Béton qui a été trié sur place, avec une attention particulière portée à la séparation des matériaux tels que l’armature, le bois, le plastique, etc.
Après la démolition, un immense espace vide est resté le long de la voie de tram, qui a été maintenu propre et sécurisé tout au long du chantier. La construction proprement dite a débuté avec la réalisation des gros œuvres, incluant murs, dalles, et poteaux. Cette phase a progressé rapidement grâce à l’efficacité de notre méthode de travail. Il convient de mentionner la complexité des interactions avec les travaux adjacents, notamment la construction d’un hôtel voisin, par une autre entreprise. Aujourd’hui, l’immeuble compte 10 niveaux hors-sol incluant le rez-de-chaussée, ainsi qu’un niveau sous-sol sur une partie et deux niveaux de sous-sol sur une autre partie. Autrefois localisé sous les numéros 89-91, le bâtiment est désormais subdivisé en 89-A-B-C.
Quelle satisfaction tirez-vous de la réalisation de ce projet ?
Le nouvel objet, conforme aux normes Minergie, présente des caractéristiques énergétiques et de confort sans commune mesure avec l’ancien édifice. On ne peut que se féliciter de ce programme bien pensé, qui intègre un toit équipé de panneaux solaires pour une récupération optimale de la chaleur. Les façades sont dotées d’un triple vitrage haute performance, non seulement thermique, mais aussi acoustique, répondant ainsi aux exigences relatives aux vibrations et au bruit générés par le passage du tram. Aujourd’hui, dans les appartements, une fois les fenêtres fermées, le silence est absolu.
Ma satisfaction principale réside cependant dans la résolution des problèmes humains. Je garderai le souvenir d’un locataire âgé, que nous avons pris en charge jusqu’à lui trouver une maison de retraite dans le quartier, selon son souhait. Notre engagement sur la qualité et le respect a été primordial pour nous, conformément à la volonté du propriétaire.
